mardi 15 mai 2007

Lettre à J-M Colombani et compagnie

Très chers Jean-Marie Colombani et compagnie

En ouvrant aujourd'hui la page de votre journal, Le Monde.fr, je dois avouer que je suis resté étonné devant le choix d'un tel titre, lequel me dit avec toute clarté :

« Nicolas Sarkozy inquiète les médias »

Ah bon ! Mais c’est le scoop, ai-je cru ! Je ne comprenais pas Mr Colombani et compagnie. Serait-ce retour au bon journalisme auquel vous avez manqué ces derniers temps ? Comme si, il était insignifiant pour un grand Journal de continuer à donner un honteux exemple quand il fait vœu d'être en exemple. Ou comme si la campagne présidentielle accomplie, le grand Journal que vous êtes se ressaisit pour le grand plaisir du plus grand nombre de lecteurs, découragés en partie parce qu'écoeurés, voire perdus parce que détournés par d’autres journaux ! Ou encore comme si, la mission menée à son terme, il n'était pas nécessaire de continuer dans la manipulation de l’opinion publique. Je ne comprenais pas Mr Colombani et compagnie.

Décidément, il y avait de quoi halluciner. Mais, droit par vibrations, à peine le temps de me remettre de mes émotions, il m'aura été regrettable de louper la fâcheuse coquille omniprésente dans votre grand Journal. Quand même !

Ce qui m’a frappé en fait, c'est ce verbe « inquiéter » dont vous usez, Mr Jean-Marie Colombani et compagnie. Pourquoi n'utilise-t-on pas un verbe comme dénoncer, ou encore censurer ? De telle manière que les cons comme nous, prennent conscience devant la gravité de ce que peut représenter dans leurs petites têtes un titre comme : Les médias dénoncent l’ingérence dans leur liberté d’expression. Vous me diriez non, mais…. bof, en plus c’est long. Je vous propose alors un autre titre : Les médias dénoncent la censure. Ah bon ! c'est du pareil au même ! Alors ça sera celui de : La censure pèse sur le moral des médias. Ou encore sans trop s’engager : Les médias et la censure. Euh ! Quoi ? ça fait tire d’un livre ? Décidément, il n'y a pas moyen de vous persuader ! Pourquoi pas ?

Croyez-moi Mr Jean-Marie Colombani et compagnie, je n’ai pas dis que votre article manque d’intérêt. Mais le tout est dans la façon dont vous le présentez. Vous parler d’inquiéter et donc d’inquiétude, ce qui revient à dire que les médias viennent juste de prendre conscience et non pas déjà remplis de nervosité, d'anxiété et d'angoisse (cf., Paris Match. Débat Bayrou. Boat people. Livre Azouz Begag).

Le journaliste peut tout dire, sous-entendre, dévoiler, dénoncer, mais celui-ci peut aussi bien déformer, dissimuler, étouffer, mettre en valeur, ou encore mal titrer ou illustrer. Je ne peux égrener ici le nombre d'articles mal titrés, de photos ratées, et illusions irrespectueuses, malveillantes, et franchement tendancieuses, dispersées ça et là dans le journal Le Monde le long de la campagne présidentiel, sur Madame Royal comme sur François Bayrou. Ah ! On supposerait déjà comprendre la raison de ma colère. Mais ce coup de gueule n’est pas pour me faire plaisir. La réalité est que, contrairement à d'autres journaux pro-Sarkozy, le soutien du journal Le Monde, et ce n’est pas le moins connu d'ailleurs, n'est pas déclaré, il est caché aux yeux de ses lecteurs sous un vernis de capital de respectabilité historique, “neutralité“ et “indépendance“, épuisés à mon avis depuis pas mal de temps. La dérive du journal le Monde, justement, est apparue au clair avec l'affaire Clearstream qui avait pour but d'éliminer Dominique de Villepin de la course à la candidature à la présidence de la République. Elle s'est accentuée ensuite avec l’entrée de Madame Ségolène Royal en campagne, pour atteindre son comble un peu plus tard avec la montée de François Bayrou dans les sondages. Dois-je vous le rappeler, sont nombreux les lecteurs convaincus que sous la houlette de Mr J-M Colombani, un grand Journal comme Le Monde n’a pas hésité à opter pour l’autre manière de faire du journalisme – il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur les commentaires qui accompagnent vos articles. Une forme journalistique qui rappelle bizarrement le modèle de la démocratie à l'américaine. Un modèle américain répandu aujourd'hui, et où le seul moyen de contrôler l'opinion publique est de la soumettre à la manipulation au profit des puissances financières et politiques.

....« L’élite doit-elle asservir les mass média comme elle prétend devoir le faire pour imposer des illusions nécessaires pour tromper la bête majorité et la tenir à l’écart ? Il faut se demander si la démocratie est un bienfait ou une menace à écarter. Dans cette phase critique de l’existence humaine, la démocratie est plus qu’une valeur à chérir, elle est peut-être la clé de la survie. » Ces réflexions du linguiste américain Noam Chomsky sur les relations des médias dominants et des systèmes de société dits démocratiques, sont au centre du film : « Chomsky, les médias et les illusions nécessaires »[1]. Auquel je vous renvoie Mr Colombani et compagnie.

.... C'est qu'en bref, on voit bien comment George W. Bush est arrivé à vendre la guerre en Irak aux américains et à leurs alliés, et comment les médias ont joué le rôle principal dans un tel processus de dogme. Mais quoiqu'il en soit, je ne pense pas que les Français souhaitent renier leur modèle de démocratie pour un modèle de démocratie à l'américaine, dans lequel les journalistes, les intérêts financiers et l'état partagent le même lit afin de contrôler le peuple, la masse. Plutôt qu’autre chose, car les Français ne sont pas les Américains et la portée du 11 septembre 2001, ni tous dupes d'ailleurs, il y aura constamment en matière de médias une résistance à féconder. Je dis bien à féconder, car demain ne se fera pas sans Elle. Ne l'oubliez jamais Mr J-M Colombani et compagnie.

Bien à vous,

Ma lecture quotidienne de l'Info

"Ma prière matinale" formulait (Hegel)

A.N


[1] Pendant 4 ans, deux documentaristes canadiens ont suivi Noam Chomsky. Ils ne donnent pas simplement la parole à l’éminent linguiste mais aussi au simple citoyen américain, qui terrifie les autorités et les médias de son pays. Ce film-documentaire montre en deux volets ses réflexions sur le contrôle que les médias exercent dans les démocraties et les moyens de se prémunir contre la manipulation de l’information.