lundi 7 mai 2007

Ce jour là, ou le jour d'après

Hommage de Bernard-Henri Lévy à Ségolène Royal

Hommage à Ségolène Royal

Eh bien oui.

Au risque de surprendre, je pense que Ségolène Royal a fait une bonne campagne.

Elle a perdu, c’est entendu.

Et perdu plus lourdement que ne le donnaient à penser, ces derniers mois, les prévisions.

Mais elle a perdu pour des raisons que l’on commence à bien cerner et dont je prétends, moi, qu’elles sont à son honneur.

Elle a été diabolisée, d’abord. On a beaucoup parlé - et on avait raison - de la tentative de diabolisation dont fut victime son adversaire. Mais autrement plus insidieuse, donc plus ruineuse, fut la diabolisation qui l’a poursuivie, elle, depuis ses premiers pas. Incompétente quand elle la fermait ; agressive quand elle l’ouvrait… N’ayant rien à dire quand elle prenait le temps d’écouter ses électeurs ; scandaleuse quand elle rompait le silence (les 35 heures) ou brisait les orthodoxies (ses prises de position, si courageuses, sur le nucléaire iranien ou le Darfour)… Bécassine, enfin, avant son débat avec Sarkozy ; Cruella après et, surtout, pendant - quand elle a commis le crime de lèse future majesté de l’interrompre, interpeller, ne rien laisser passer, le mettre dans les cordes… Ce n’est plus une femme, gronda la rumeur, c’est une sorcière. Ce n’était plus la douce, la maternelle Ségolène, c’était un bretteur, une tueuse - voyez ces yeux minces où passent des épées de feu ; entendez cette voix de mauvaise sirène, une octave trop haut, si dure… Ah l’increvable misogynie des Français et souvent, malheureusement, des Françaises ! J’ai aimé, moi, cette dernière image dans ce dernier débat. J’ai aimé la stature qu’elle a prise à cet instant - et la belle droiture qui émanait de son regard et de son port. Elle honorait la gauche, cette droiture. Et elle honorait la France.

Elle a livré bataille, deuxièmement, à un moment d’inflexion, mais encore, hélas, de suspens, où il devenait clair que la vieille stratégie d’union des gauches n’avait plus de chance de l’emporter mais où la nouvelle stratégie d’alliance avec le centre restait trop insolite, inédite, bref, révolutionnaire, pour passer le cap des hypothèses et retourner, réellement, les esprits. Madame Royal a dit les mots qu’il fallait dire. Elle a fait les gestes qu’il fallait faire. Peut-être, d’ailleurs, le grand débat de la campagne, celui qui restera, celui qui fit bouger les lignes en même temps que, au passage, les liturgies cathodiques, fut-il ce débat avec Bayrou dont elle a pris l’initiative et qui ouvrait, on le verra maintenant très vite, un vrai nouveau chapitre de l‘histoire politique française. Mais voilà… Il était trop tôt... On a dit, ici ou là, qu’il était trop tard, que c’est avant qu’il fallait le dire, avant qu’il fallait le faire, etc. Non, voyons. Le contraire. Il était trop tôt dans le siècle. Trop tôt dans l’histoire du pays. Sauf que c’est elle, Madame Royal, qui, trop tôt ou trop tard, l’aura fait. Sauf que, ce big bang rêvé par les uns, annoncé par les autres, c’est elle, et personne d’autre, qui l’aura osé et déclenché. Pour cela, elle restera. Pour cela, même si elle a perdu, elle a gagné.

Et puis il faut bien reconnaitre, enfin, que Nicolas Sarkozy a été bon. Vraiment bon. Je veux dire par là qu’il a su surfer, avec un mélange de talent et de cynisme non moins remarquables l’un que l’autre, sur une vague de fond dont il semble que tout le monde ait, à part lui, sous-estimé la terrible puissance. Qui, parmi les commentateurs, avait-il prévu que l’éloge d’une France qui n’a jamais commis, sic, de crime contre l’humanité puisse faire recette à ce point, douze ans après les paroles de Jacques Chirac reconnaissant, au Vel d’Hiv, notre participation au crime nazi ? Qui imaginait de tels hurlements de joie et, au fond, de soulagement, chaque fois que fut dit et redit, de meeting en meeting, que la France ex-coloniale n’était coupable de rien, qu’elle n’était en dette vis-à-vis de personne et qu’elle devait être fière, au contraire, de son œuvre civilisatrice ? Qui, encore, pouvait deviner que le traumatisme de Mai 68 fût resté si vif dans les esprits que l’appel répété à « liquider » - quel mot ! – l’héritage du « parti des voyous et des casseurs » puisse faire jaillir, lui aussi, de tels geysers de fiel, de joie triste et de ressentiment ? Madame Royal a résisté à ce discours. Fidèle à la ligne tenue, sur ces sujets, peu ou prou, par nos deux derniers Présidents, elle a tenté d’endiguer ce flot de haine et de rancune. Et, de cela aussi, je lui sais gré.

Je ne parle pas - car seul le mauvais esprit gaulois en a douté - du sang-froid dont elle a fait montre, d’un bout à l’autre de l’aventure.

Je n’insiste pas - encore que le fait fût unique dans notre histoire électorale - sur la double bataille qu’il lui a fallu mener : l’une, publique, contre son adversaire; l’autre, secrète, contre les siens.

Et je n’évoque que pour mémoire, enfin, le ton et, comme dit un poète qu’elle affectionne, le « frisson nouveau » qu’elle a fait passer dans cette vieille musique socialiste qui n’en finissait pas de mourir et qui n’attendait, peut-être, que ce salutaire coup de grâce.

Tout cela, elle l’a fait. Et il faut espérer que s’en souviennent ceux qui, à partir de ce lundi matin, vont être tentés de se livrer au petit jeu de la chasse à la sorcière ou de la production de la chèvre émissaire.

Ségolène Royal est loin d’avoir dit son dernier mot – et c’est tant mieux.

Nb : à ne pas confonde le tire de ce billet avec celui du fameux film, Le Jour d'après (The Day After Tomorrow) qui est un autre style de film catastrophe, d'un autre genre de réalisateur, Roland Emmerich depuis 2004.

Merci Ségolène


Mais que dire ?
....fier de Ségolène !!! fier d'elle !!!

Merci à Ségolène Royal d’aller à l’idéal en passant par le réel. Merci à celle qui a su porter haut les couleurs de nos espoirs en aspirant à une société plus juste dans un monde plus solidaire. Merci malgré la déception des soirs et lendemains de défaites. Merci de nous avoir entraînés dans une telle aventure. Merci car la vie politique et le combat des idées sont faits de hauts et de bas à forger le caractère des Hommes. Merci car ce n'est que partie remise vers d’autres combats et d’autres victoires. Merci d’avoir fait évoluer les mécanismes de la révolte et du réalisme. Merci d’avoir tenté le pari de mettre une femme à la tête de l’État. Merci encore et encore car c'est vous qui a eu raison : c'est une certitude, demain ne se fera pas sans vous. Merci !!!

Nb : très en beauté, à moins d’être aveugle ou d’avoir envie de vomir à longs traits sa haine, souriante et sereine. Et si c'était ça la voie Royal : une OPA du charme sur la politique ? Alors pourquoi pas. La France en elle-même est belle. Regarder…. Mesurer….

Une pensée résolument


" Il y a plus de choses, au ciel et sur la terre, horatio, que n'en comporte ta philosophie"
William Shakespeare (Hamlet)

Quand même !

"Ce n'est pas parce qu'on a Judas à sa table qu'on doit se prendre pour le Messie"
Ségolène Royal

Le réveil, ce matin....


Est-ce le naufrage ?

Disons seulement que la Droite a réussi une nouvelle fois, hier le dimanche le 6 mai, à balayer l'espoir qu'un candidat de la Gauche soit élu, en tant que 23ème Président de la République Françaises, et 6ème Président de la Vème République.


Grrrrr, le réveil a été dur ce matin. C’est arrivé. On y est ! Accablement, gueule de bois, c’est la défaite. Je n’ai nullement l’intention de contester ou de commenter à chaud aucun de ces résultats annoncés (53% contre 47%). C'est la démocratie, le suffrage universel s'est exprimé. Mais, il est vrai que je suis triste, profondément triste. Le coup est rude, alors que la joie des autres paraît obscène, voire humiliante. Dois-je dire adieu à la France que j'aime, celle de la main tendue aux pauvres, aux malades, à la paix, celle de la tradition historique, non communautaire, celle de la laïcité, celle de la nature non polluée, des produits savoureux, menacés d’ores et déjà par les OGM comme suite logique de tout libéralisme sauvage…. Dois-je alors renoncer ? Oh non, certainement pas. Non, vraiment merci, nostalgie quand tu nous tiens ! Et ah ! et oh ! Je ne suis encore ni sonné, ni hébété. Tout de même, n'est-ce pas qu'il vaut mieux être parfois vrai qu'être fort ? On verra qui est élu. Raison pour laquelle, il faut revenir vite à l’atelier de la reconstruction.

Je ne sais pas ce que tout le monde peut penser de Winston Churchill, mais c’est bien lui en tout cas qui a dit avec raison : "Il n'y a qu'une réponse à la défaite, et c'est la victoire". C'est dire pensons-nous encore et encore, encore plus fort Ségolène Royal. Pourquoi ? Or, dans de tels moments douloureux que nous vivons, et revirons très certainement aussi longtemps que vont durer les cinq années à venir, n'est-t-il pas vrai, comme le veut la logique, rendre à César, ce qui appartient à César, de même qu'à Ségolène Royal, l’espérance qu'elle a porté tout au long de sa campagne ? Et, le lui rendre bien.

Nb : on aura sinon, l'occasion dans ce blog de revenir sur le problème des complications internes du PS, et démontrer entre autres choses, pourquoi Dieu ne serait-il pas une femme ?

Merci !

Discours de Ségolène Royal au soir du second tour